Des dessins en relief interactifs pour « voir » grâce au toucher

Innovation Sciences informatiques

L’Institut de recherches en informatique de Toulouse (IRIT – CNRS, Toulouse INP, Université Toulouse III – Paul Sabatier) et l’Institut des jeunes aveugles de Toulouse (IJA) collaborent depuis plus de 15 ans dans le cadre du laboratoire commun “Cherchons pour Voir”. Après avoir développé un GPS adapté aux personnes malvoyantes et non-voyantes en partenariat avec les entreprises toulousaines Navocap et Spikenet Technology, les deux entités se sont lancées dans le projet “Dessin en relief interactif”, ou Deri. Leur dispositif inédit de cartes légendées interactives est déjà utilisé dans de nombreuses classes de l’IJA, et une fois validée, l’innovation devrait pouvoir toucher un public encore plus large.

DERI CPV
© Laboratoire Cherchons pour Voir (CPV – IRIT, IJA)

C’est la première fois qu’un laboratoire de recherche publique s’associe sur une longue durée à un organisme tel que l’Institut des jeunes aveugles de Toulouse (IJA). Depuis 2005, l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT) travaille de concert avec l’IJA pour imaginer des dispositifs destinés à faciliter le quotidien des personnes avec déficiences visuelles. “Depuis une vingtaine d’années, la science est capable de restaurer certaines perceptions lumineuses chez les malvoyants et les malvoyantes, indique Christophe Jouffrais, directeur de recherche CNRS à l’IRIT, spécialiste en sciences cognitives. Mais ces lumières n’ont pas encore de sens et il existe aujourd’hui une infinité de problématiques liées aux personnes malvoyantes et non-voyantes bien plus urgentes, notamment concernant l’autonomie, le déplacement ou encore l’apprentissage. C’est dans l’optique de relever ces défis du quotidien de façon concrète qu’est né le laboratoire commun Cherchons pour Voir. Au total, six chercheur.es et enseignant.es-chercheur.es de l’IRIT, deux ingénieur.es, des doctorant.es et des stagiaires coopèrent avec une dizaine de professionnels de la déficience visuelle, afin, grâce à la connaissance de ces derniers, d'orienter efficacement les recherches vers des domaines d’application.

Repérer son environnement

Le premier développement du laboratoire commun a porté sur un GPS adapté à ce handicap en collaboration avec les sociétés toulousaines Navocap, spécialisée dans le secteur des systèmes de transports intelligents et Spikenet Technology, spin-off du CNRS, spécialisée dans l'analyse d'images. Plusieurs articles scientifiques ont été publiés sur le dispositif d’analyse de l’environnement et d’aide à la navigation. Grâce à des sons, le système permet à tous les types de déficiences visuelles de repérer personnes, bâtiments, portes d’entrée ou encore passages piétons. De son côté, Navocap a pu avancer sur la R&D de son propre GPS pour personnes aveugles, tandis que Spikenet Technology a amélioré ses puces embarquées. “Nos publications ont probablement influencé Microsoft, qui prépare un produit quasiment identique à notre système, actuellement en phase de pré-commercialisation”, avance Christophe Jouffrais.

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© Laboratoire Cherchons pour Voir (CPV – IRIT, IJA)

Interactivité

En outre, le projet le plus abouti issu de la collaboration entre l’IRIT et l’IJA est sans nul doute Deri, pour “Dessin en relief interactif”. Depuis huit ans, les instituts travaillent à l’adaptation de feuilles imprimées en relief, ces dessins que les malvoyant.es peuvent “voir” grâce au toucher. Objectif : “légender” les dessins afin que les utilisateurs et utilisatrices puissent en déchiffrer le sens, sans besoin de l’aide extérieure. Le but est aussi de démocratiser cette innovation numérique auprès des professionnels de la déficience visuelle. “Nous avons conçu un logiciel implémenté sur des tablettes du commerce ou des écrans plus grand format, sur lesquelles se trouvent les explications sonores des dessins”, détaille le chercheur. “Les élèves ont ainsi à disposition d’une part le dessin en relief, et d’autre part, en touchant la tablette, les verbalisations et les sons associés aux différents éléments qui composent l’image”. De nombreuses classes de l’IJA utilisent le dispositif depuis deux ou trois ans, ainsi que cinq centres partenaires en France, et avec des applications dans toutes les matières scolaires (géographie, histoire, mathématiques, jeux…). En phase de validation, le logiciel est aussi utilisé pour le Festival de rue de Ramonville et sera installé dans les halls d’universités toulousaines en guise de table d’orientation d’ici fin 2022. Le concept a également séduit ergothérapeutes et instructeurs ou instructrices de locomotion. Au fil du temps, les utilisateurs et les utilisatrices proposent de nouvelles applications en fonction de leurs besoins faisant ainsi avancer la recherche. Une fois validée, la technologie devrait être étendue à d’autres écoles, et aussi aux musées ou autres lieux de culture.

Fleur Olagnier, 
Journaliste scientifique