Le climat des 15 derniers millions d’années piloté par l’émersion des îles d’Asie du Sud-Est

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Le climat des 15 derniers millions d’années piloté par l’émersion des îles d’Asie du Sud-Est
Le mont Sumbing, un volcan situé au centre de l’île de Java © Yuem Park/Berkeley

Depuis 1850, les rejets anthropiques de gaz à effet de serre entrainent un réchauffement global de la planète pour les siècles à venir. Mais avant la période industrielle, la Terre avait tendance à se refroidir depuis 15 millions d’années. Pour mieux comprendre ce phénomène, une équipe de scientifiques franco-américaine composée notamment d'un chercheur du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP), a étudié les conséquences de l’émersion progressive des îles d’Asie du Sud-Est. Leurs recherches ont été rendues possibles grâce à un financement du fonds France-Berkeley.

Depuis 15 millions d’années, la plaque tectonique australienne percute l’arc volcanique de la Sonde et de Bunda, entraînant une augmentation de la surface émergée des îles d’Asie du Sud-Est. Cet accroissement s’accompagne de la mise à l’affleurement de roches mafiques, qui s’altèrent facilement au contact de l’atmosphère et sont donc très gourmandes en CO2. Les conditions climatiques tropicales, chaudes et humides, maximisent cette altération et le relief très accidenté de la région maintient une érosion physique intense, mettant en permanence un substrat rocheux frais au contact de l’eau qui circule à la surface.

L’équipe de chercheur.es a simulé la consommation de CO2 liée à l’émersion de ces îles. Une reconstruction précise des lignes de côtes fossiles a permis de calculer l’augmentation de la surface des îles, passant de 0.3 millions de km2 il y a 15 millions d’années, à 2 millions de kmaujourd’hui. Le modèle numérique des grands cycles biogéochimiques GEOCLIM a ensuite été adapté à l’étude.

Publiés dans la revue PNAS, les résultats obtenus montrent l’importance de l’évolution de la région sur le climat de la Terre. L’altération chimique des îles d’Asie du Sud-Est provoque à elle seule une diminution du niveau de CO2 de 600 ppm il y a 15 millions d’années à 500 ppm il y a 10 millions d’années, puis à 400 ppm il y a 5 millions d’années, pour finir au niveau pré-industriel de 280 ppm. Ces résultats sont compatibles avec les proxies de CO2 atmosphérique, montrant que l’altération des roches mafiques de la région étudiée détermine en grande partie l’évolution du climat depuis 15 millions d’années. Il est même probable que la glaciation arctique ne se serait jamais produite sans l’émergence de ces roches.

Contact

Yves Godderis
Chercheur CNRS au laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP, CNRS, Université Toulouse III - Paul Sabatier, IRD, CNES)