Le réchauffement climatique en France s’annonce pire que prévu

CNRS le journal Terre & Univers

En adaptant à la France la méthode utilisée par le Giec pour estimer le réchauffement planétaire, des scientifiques de laboratoires toulousains1 viennent de revoir à la hausse les températures qui attendent l’Hexagone. D’ici 2100, cette augmentation serait de 3,8°C par rapport au début du XXᵉ siècle, et ce dans un scénario d’émissions modérées de gaz à effet de serre.

CNRM
La prise en compte des observations permet de passer de l’estimation rose (modèles sans contrainte) à l’estimation rouge (modèle avec contrainte).

© Aurélien Ribes et al. 2022, « Earth Syst. Dynam. », 13, 1397-1415 (CC BY-4.0)

L’optimisme climatique n’est pas de mise ces jours-ci. Le réchauffement climatique au cours du XXIe siècle en France pourrait être 50 % plus intense que ce que l’on pensait. C’est le résultat de nouvelles projections sur le climat futur qui viennent d’être réalisées par une équipe du CNRS, de Météo France et du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique2 . Si les tendances actuelles d’émissions de carbone se maintiennent, la température moyenne de l’Hexagone sera 3,8 °C supérieure à celle du début du XXe siècle. Un chiffre qui pose d’immenses défis d’adaptation et qui promet des changements sévères dans l’agriculture et les écosystèmes français.

Pour arriver à ce résultat, le plus robuste dont nous disposons à ce jour, les chercheurs ont employé une méthodologie nouvelle. Développée par cette même équipe, elle a été utilisée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans le premier volet de son sixième rapport, paru en 2021. L’innovation principale est l’utilisation de données climatiques observées pour contraindre les modèles. En d’autres termes, à partir d’un éventail de simulations climatiques réalisées grâce aux modèles utilisés par le Giec, les chercheurs identifient celles qui sont en accord avec les mesures de température récoltées depuis plus d’un siècle. Ainsi, les chercheurs peuvent identifier les projections les plus robustes sur l’avenir du climat, et réduire les incertitudes.

L’autre originalité de ces travaux, publiés le 4 octobre dans la revue Earth Systems Dynamics, est qu’ils offrent des projections à l’échelle française. « Le Giec propose des scénarios de réchauffement climatique au niveau planétaire et au niveau de grandes régions comme l’Europe ou le bassin méditerranéen. Mais il ne va pas en-dessous. Or il existe un appétit pour des projections à des échelles plus réduites », explique Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de la recherche météorologique (CNRM). En effet, les grandes décisions politiques se prennent pour l’essentiel au niveau national. Il était donc urgent d’utiliser cette nouvelle méthodologie pour obtenir des scénarios de réchauffement climatique à l’échelle de l’Hexagone. Pour cela, les chercheurs ont utilisé les données récoltées par une trentaine de stations météorologiques réparties sur toute la France. Ces stations sont connues pour avoir enregistré les températures de façon homogène sur de longues périodes. Ainsi, les premières mesures de température fiables dont disposent les chercheurs datent de 1899.

  • 1CNRM - CNRS / Météo France / UT3, CECI - CNRS / CERFACS et la Direction de la climatologie et des services climatiques - Météo France
  • 2Le Cerfacs est un centre de recherche fondamentale et appliquée, spécialisé dans la modélisation et la simulation numérique

Contact

Aurélien Ribes
Ingénieur Météo France au Centre national de recherches météorologiques (CNRM - CNRS / Météo France)
Julien Boé
Directeur de recherche CNRS au laboratoire Climat, environnement, couplages et incertitudes (CECI - CNRS / CERFACS)