Mieux comprendre la pyrolyse rapide pour la valorisation des déchets de biomasse d’origine végétale

Innovation Ingénierie
Marion Carrier
Marion Carrier

Chargée de recherche au CNRS au Centre de recherche d’Albi en génie des procédés, des solides divisés, de l’énergie et de l’environnement (Rapsodee, CNRS/IMT Mines Albi), Marion Carrier s’intéresse à la modélisation détaillée du processus de pyrolyse rapide. Cette réaction chimique à haute température permet notamment de transformer des déchets issus de biomasse végétale en produits d’intérêts, utilisés par exemple pour le verdissage des carburants. Ces travaux ont contribué à la publication d’un ouvrage consacré à la caractérisation de la biomasse et déchets, et à l’utilisation des produits qui en dérivent.

Dès le doctorat, Marion Carrier s’intéresse aux thématiques environnementales avec une thèse soutenue en 2007 à l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELYON1 ) sur le traitement des eaux viticoles. Alors spécialiste des mécanismes de dégradation des pesticides à l’échelle moléculaire, la scientifique intègre l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB2 ) où elle s’oriente vers l’étude de la biomasse végétale en liquéfaction. La biomasse est un polymère naturel composé de lignine, d’hémicelluloses et de cellulose, qui constitue par exemple les déchets agricoles, forestiers, de la construction ou des industriels du bois. Par la suite, c’est en Afrique du Sud à l’université de Stellenbosch que la chercheuse commence à travailler sur la pyrolyse, un procédé thermochimique qui permet de transformer la biomasse végétale par voie sèche. "Pendant ces cinq années à Stellenbosch, je me suis passionnée pour la valorisation des déchets de biomasse en produits de haute qualité", raconte Marion Carrier.

La pyrolyse rapide pour des carburants plus verts
Elle étudie dès lors en détails la pyrolyse lente, dont résultent des produits solides comme le charbon, et la pyrolyse rapide, d’où sont issues des matières premières liquides à destination de l’industrie chimique et pharmaceutique, ou ajoutées à des coupes pétrolières pour le verdissage des carburants. C’est d’ailleurs toujours à la pyrolyse rapide, c’est-à-dire la transformation dans l’atmosphère neutre d’un réacteur de la biomasse soumise à un chauffage rapide jusqu’à 600°C, que Marion Carrier s’intéresse aujourd’hui. Après l’obtention d’un projet européen Marie Curie à l’Aston University de Birmingham, la chercheuse est lauréate du prestigieux appel à projet Make Our Planet Great Again et entre au CNRS en 2018. Elle revient en France et intègre le laboratoire Rapsodee, un des centres de recherche de l’IMT Mines Albi.

Une base de calcul pour l’industrie
"L’année de mon arrivée, nous avons démarré pour cinq ans le projet Pyrokine, qui a pour but de décrire de manière détaillée la cinétique chimique et des aspects thermodynamiques de la pyrolyse rapide, précise Marion Carrier. L’objectif final est de connaître ces processus avec une précision inégalée afin de prédire et de maîtriser les rendements issus de la transformation de biomasse végétale". À noter que la Région Occitanie, intéressée par la production de biocarburant, finance ce projet pour moitié. Une dizaine de scientifiques du laboratoire Rapsodee travaillent sur Pyrokine. La moitié se consacre à la modélisation globale du processus de pyrolyse rapide, tandis que l’autre moitié étudie plus en détails le liquide intermédiaire formé pendant le processus et aux propriétés bien spécifiques. À terme, le projet Pyrokine devrait produire un modèle universel qui sera publié en open source. Cette base de calcul pourra alors être utilisée par les industriels pour optimiser leurs procédés de transformation de biomasse végétale.

Fleur Olagnier
Journaliste scientifique

couverture ouvrage

Sous la direction d’Ange Nzihou, l’ouvrage Handbook on characterization of biomass, biowaste and related by-products, traite de la biomasse et des biodéchets lors de leur traitement dans diverses conditions et technologies. Méthodes de caractérisation, protocoles, normes, bases de données et de références mais aussi méthodes d’échantillonnage et de pré conditionnement, techniques d’extraction d’éléments chimiques et de molécules y sont décrits.
Cette connaissance fine de la biomasse et des biodéchets permettra sans aucun doute une meilleure orientation vers des filières de valorisation ou de traitement de ces matériaux. Véritable ouvrage de référence, il est le fruit d’une grande collaboration internationale (USA, Canada, Europe, Japon, Chine…) et de l’implication de plusieurs laboratoires du CNRS sur tout le territoire.
Editions Springer Nature - février 2020

  • 1Unité mixte de recherche CNRS et Université Claude Bernard Lyon 1
  • 2Unité mixte de recherche CNRS et Université de Bordeaux

En savoir plus

Voir la vidéo réalisée par Marion Carrier, Manel Nasfi et Sylvain Salvador de Rapsodee.