Une nouvelle classe de peptides pour remplacer les produits chimiques en agriculture

Résultats scientifiques Biologie

L’agriculture actuelle est confrontée à de nombreux challenges pour nourrir une population mondiale en pleine expansion. Dans une étude publiée dans Nature Communications, les scientifiques proposent une alternative plus naturelle aux produits chimiques utilisés en agriculture : des peptides, qui permettent de moduler temporairement l’expression des gènes et ainsi rendent les plantes plus résistantes à des stress biotiques et abiotiques. Ces recherches, portées par Jean-Philippe Combier, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de recherche en sciences végétales1 (LRSV), ont impliqué de nombreuses unités de recherche toulousaines2 .

LRSV
Figure : Soja traité par un peptide contrôle à gauche et un cPEP à droite.

© Jean-Philippe Combier

Le principal défi actuel de l'agriculture est de maintenir la production alimentaire tout en faisant face à de multiples menaces : l'augmentation de la population mondiale va nécessiter plus de production, tandis que le réchauffement climatique risque de diminuer les rendements des cultures, diminution qui sera amplifiée par le manque d’engrais phosphatés, issus d’exploitations minières en quantité limitée, et azotés, très coûteux en énergie. Enfin, le manque de pesticides chimiques, notamment à cause des risques environnementaux (pollution) et de santé publique, ainsi que l’augmentation de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides, comme le glyphosate, va accentuer ce phénomène de diminution des rendements de cultures. Dans ce contexte, développer des méthodes nouvelles, alternatives, efficaces et sûres au niveau sanitaire est un enjeu majeur de la recherche en agronomie.

Dans cette étude, les scientifiques ont identifié chez les plantes une nouvelle classe de petites protéines, des peptides appelés peptides complémentaires (cPEP) qui peuvent être conçus pour augmenter spécifiquement l’abondance de la protéine ciblée. Ainsi, en ciblant des protéines connues pour être impliquées dans différents processus, le traitement de plantes par des peptides peut conduire à améliorer le développement des plantes, augmenter leur résistance à des champignons pathogènes ou encore améliorer leur résistance à la chaleur. Sans modifier le génome comme dans le cadre des OGM et du CRISPR, les peptides identifiés permettent, par simple arrosage ou pulvérisation des plantes, de moduler de façon transitoire le développement des plantes ou leur résistance à des stress, biotiques et abiotiques.

Au-delà de la recherche fondamentale, pour laquelle les cPEPs devraient faciliter l’étude du rôle des gènes, le principal intérêt des cPEPs réside dans leur utilisation en agronomie : quelques arrosages ou pulvérisations de peptides sur des plantes d’intérêt agronomique permettent par exemple d’améliorer la résistance de la tomate à un champignon pathogène, voire d’améliorer la croissance du soja en l’absence d’engrais ou sa résistance à la chaleur. Enfin, les cPEPs peuvent constituer une alternative crédible au glyphosate et autres herbicides en réduisant la croissance d’espèces de mauvaises herbes très problématiques comme l’amaranthe.

Cette technologie a été brevetée et licenciée à Micropep Technologies, qui est une spin off du CNRS, co-fondée par Jean-Philippe Combier, dont l’objectif est d’identifier et de commercialiser des peptides pour l’agronomie.

  • 1Tutelles : CNRS, INPT
  • 2Laboratoire de recherche en sciences végétales (LRSV - CNRS, INPT) ; Fédération de recherche agrobiosciences interactions et biodiversité (FR AIB - CNRS, INRAE, INPT, UT3) ; Institut de pharmacologie et de biologie structurale (IPBS - CNRS, UT3)

Bibliographie

Complementary peptides represent a credible alternative to agrochemicals by activating translation of targeted proteins.

Ormancey M, Guillotin B, Merret R, Camborde L, Duboé C, Fabre B, Pouzet C, Impens F, Van Haver D, Carpentier MC, San Clemente H, Aguilar M, Lauressergues D, Scharff L, Pichereaux C, Burlet-Schiltz O, Bousquet-Antonelli C, Gevaert K, Thuleau P, Plaza S, Combier JP. Nature Communications. 2023. 14:254.

DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-023-35951-0

Contact

Jean-Philippe Combier
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de recherche en sciences végétales (LRSV - CNRS / UT3 Paul Sabatier / Toulouse INP)